dimanche 14 février 2010

Masha Shmashan Puri. Varanasi ou le feu qui ne s'éteint jamais.

Dimanche 14 février.

Nous sommes à l'aéroport de Delhi, heureux de partir pour Bangkok dans quelques heures ; mais je me dois de revenir sur Bénarès tant que nos pieds foulent encore la terre indienne.

Je ne vais pas pouvoir vous transmettre tout ce que nous avons vécu ni tout ce que nous souhaiterions partager. Peut-être plus tard...

Pour faire simple, je vais vous raconter une ballade "type" sur les bords du Gange.


SUNSHINING

Réveillés aux aurores par les chants de célébration de la Puja, nous somnolons, attendant que le brouillard se disperse et laisse place aux premiers rayons du soleil.

Vers 6-7h nous sommes définitivement réveillés par les singes qui chahutent devant notre chambre. C'est le moment le plus drôle de la journée. Les hôteliers courent dans tous les sens pour les faire partir. Mais comme le dicton le dit si bien, on apprend pas à un singe à faire la grimace... Hihihi !!!
Guillaume part faire des photos tant que la lumière est "bonne". Moi, je prends mon temps.
On se retrouva sur la terrasse pour le pti déj'.

TIME FOR A WALK ON THE GHATS

Les Ghâts ce sont les quais du Gange, sur 6kms.
Tout s'y passe. La Vie est là.

À peine descendue la dernière marche vers les ghâts, on vous propose une traversée en bateau : "boat, boat ???".
La ballade vaut vraiment la peine d'être faite. Voir Varanasi depuis le Gange c'est un tout autre décor, une toute autre histoire qui se dessine.
(vidéos prochainement en ligne si on chope un ordi.)





Retour sur les Ghâts.
Les gens font leurs ablutions pour se nettoyer de leurs péchés et se faire beau pour la journée.
D'autres, déjà au travail, nettoient le linge dans l'eau "pure" du Gange, puis l'étendent à même le sol quand la place vient à manquer sur les cordes de fortune.















Tout cela, sous le regard impassible des vaches et des chiens errants, parmi les biquettes qui se taquinent et les excréments, l'urine qui s'écoule sur les marches et les mendiants affamés, les détritus jonchant le sol et les enfants préparant les offrandes de fleurs, les pèlerins se faisant raser la tête avant de laver leurs pêchés dans l'eau sacrée de Mother Ganga, et les brahmanes, toujours assidus aux enseignements.
Les ghâts s'est tout ça à la fois.














Bhramanes at work


LIFE & DEATH

Mais comment parler des Ghâts et de ce bouillonnement de vie sans parler de la mort. La mort qui est là, aussi présente que la vie.
La vie et la mort sont indissociables mais sur les bords du Gange, dans la ville de Bénarès, cette réalité est LÀ, face à nous, dominante et sereine, indéniable et bien réelle. Nous ne pouvons plus la nier mais l'accepter. Et c'est bon. C'est libératoire.

Les Ghâts de crémation sont là pour nous le rappeler si nos rêveries nous avaient portés au-delà.

Il y a deux ghâts de crémation. Un très important qui n'arrête jamais de brûler, un autre plus petit, plus discret. (ci-dessous)











Assister à une crémation, c'est suivre le cortège qui mène le corps d'un défunt à la libération de son âme. C'est magnifique !

Le cortège traverse la vieille ville en chantant.
Une fois sur les berges, le corps, couvert de soierie et de fleurs, est déposé sur un monticule de bois de santal.
Le fils aîné de la famille doit y mettre le feu de Shiva. La crémation dure 3 heures. Les cendres sont ensuite jetées dans le Gange.
Les femmes de la famille n'ont pas le droit d'assister à la crémation car leurs pleurs présageraient d'un mauvais karma pour l'âme qui ne pourrait se libérer.

Les femmes enceintes, les lépreux (car ils sentent fort), les sâdhus et les enfants de moins de dix ans sont enveloppés d'un linge blanc, attachés à une pierre et confiés au Gange pour leur permettre une réincarnation.

QUAND IL N'Y A PAS CREMATION...

Ce que je vais vous raconter à présent, risque de vous choquer, alors âmes sensibles...
Mais je ne peux pas parler des ghâts, des crémations et de la mort, sans parler de cela. Ça ne serait pas juste.

Nous avons vu un nourrisson emmailloté dans un linge blanc porté par les bras de son père sur le ghât de crémation. Celui-ci le posa sur une pierre plate et le ligota. Il monta sur une barque avec deux autres hommes. Les plus âgés de la famille restèrent sur la berge. La barque s'arrêta à quelques mètres de là. Le père laissa glisser le corps de son enfant dans le Gange sacré.

Un autre matin, nous marchions le long du fleuve en discutant de la sérénité que nous trouvions ici, quand nous vîmes une image à jamais indélébile ; le corps d'un enfant amputé de la moitié de son corps, son crâne rasé, gonflé d'eau, sa peau verdâtre, un chien mangeait son tronc élastique, c'était horrible.
Pourtant la vie continuait à leurs côtés, et nous eûmes l'étrange impression d'être seuls face à notre effroi.

Paix à leurs âmes.